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5 Pointz About... Armand De Preseau

#1 - Peux tu te présenter ?  

Armand de Préseau, collectionneur de disques Africains, Antillais, Moyen-Orientaux et Asiatiques. 

J'ai passé une bonne partie de mon enfance à l'étranger, 12 ans partagés entre le Cameroun et Madagascar principalement.  

Cela fait 15 ans que j'achète et collectionne des disques, et j'ai fait pas mal de chemin musicalement parlant tout au long de cette période. 

J'ai commencé par collectionner des disques de Techno et de House de Detroit et Chicago, puis suis passé par les classiques Soul / Disco / Funk Américains (avec un coup de coeur éternel pour les musiques de Philadelphie et Salsoul Records !), suis descendu du côté des Bahamas à la découverte de disques hybrides Reggae / Disco, ai basculé sur les musiques des Antilles Françaises voisines, et je suis ensuite parti à la recherche de morceaux Africains, puis Orientaux et Asiatiques. 

J'ai conservé beaucoup de mes racines musicales, et j'apprécie encore aujourd'hui autant des classiques de Detroit que des morceaux traditionnels Malgaches... Tout dépend de mon humeur du moment !

Je voyage également depuis plusieurs années pour chercher des disques sur place et partir à la recherche d'anciens artistes, que ce soit pour leur proposer de travailler ensemble sur des projets ou, tout simplement, de les interviewer afin d'en apprendre plus sur leur passé et sur les interconnections entre les artistes et les pays. Egalement, pour recueillir leurs témoignages et donner la possibilité au public de les redécouvrir, car beaucoup vivent aujourd'hui dans la misère et sont oubliés dans leur propre pays !

J'ai lancé mon blog "Dusty African Grooves" il y a 7 ans, j'ai monté en début d'année 2017 le label "Nubiphone" (https://nubiphone.bandcamp.com/music) spécialisé en ré-éditions de disques Africains rares avec un ami, collectionneur également, sur lequel nous avons sorti la première compilation officielle de l'artiste Camerounais EKO ROOSEVELT, et je viens de monter mon propre label solo "Nanga Boko Records", sur lequel je viens de ré-éditer le premier album de l'artiste Camerounais NKOTTI FRANCOIS (https://nangabokorecords.bandcamp.com/), un album de Makossa psychédélique à l'occasion des 40 ans de la sortie de l'album original (sorti en 1977 donc).

 En parallèle à la sortie du disque de NKOTTI FRANCOIS, j'ai lancé mon site www.africangrooves.fr, qui me permet de réunir tous mes projets (blog, selections de titres, interviews d'artistes d'époque, label perso, photos de dig..), liberté que ne me permettait pas mon ancien blog "Dusty African Grooves" sur la plate-forme blogspot.

En parallèle de mon site, je met systématiquement désormais chacun des morceaux que je présente sur ma chaîne Youtube "African Grooves", afin de pouvoir toucher plus de gens et que certains puissent à leur tour faire découvrir à d'autres des groupes ou artistes.

 

#2 Tu tiens donc ce magnifique blog "Dusty African Grooves" où tu chroniques un bon nombre de disques rares. Il existe un bon nombre de site plus ou moins qualitatif mais qui pour certains, permettent le téléchargement gratuit de ces albums, que pense tu de cette pratique ? 

J'ai deux axes de travail principaux sur African Grooves :  

- Je publie régulièrement des articles sur des disques tirés de ma collection, dans lesquels je rédige une biographie des artistes / groupes avec le maximum d'informations dont je dispose (ce qui est parfois compliqué !), et je met en écoute un titre de l'album afin de faire découvrir le groupe ou l'artiste aux lecteurs. Ce titre n'est pas en téléchargement.

 - Environ 1 fois toutes les 4 à 6 semaines, je publie une sélection de plusieurs titres enchaînés, tirés là encore de disques de ma collection, sélection qui se fait principalement par pays (par exemple, un mois je vais proposer une sélection spéciale Disco Nigériane, un autre une sélection de 45 tours Thaïlandais..). Toutes mes sélections sont téléchargeables.

Contrairement à mes sélections, j'ai pris le parti de ne pas mettre en téléchargement les albums ou titres que je présente, car en effet le but de mon site est de faire découvrir les morceaux / groupes aux gens afin qu'ils puissent aller par eux même plus loin dans la découverte d'artistes ou de genre inconnus pour eux.

Je leur entrouvre la porte en quelque sort, à eux de décider s'ils veulent poursuivre plus profondément ou non !

Par ailleurs, ces compositions ne m'appartiennent pas, je me sentirai mal à les diffuser gratuitement non mixées, ce pour une raison évidente de droits d'auteur et, plus loin, pour le respect des artistes (même quand ceux-ci n'ont sorti qu'un obscur 45 tours oublié de tous !).

Après, ce n'est que ma vision des choses, je ne juge absolument pas les site qui pratiquent le téléchargement libre des albums !

 

 

#3 Peux tu nous parler de ton récent label Nanga Boko Records ?  

J'ai monté "Nanga Boko Records" le 06 Septembre dernier à l'occasion de la ré-édition du premier album de l'artiste Camerounais NKOTTI FRANCOIS (https://nangabokorecords.bandcamp.com/), un album très particulier, hybride, psychédélique, un mélange de Makossa (genre musical originaire de la ville de Douala), avec quelques touches de Rock et de Funk.

J'ai ressorti cet album - qui est mon disque Camerounais favori, voire le préféré de ma collection entière - à l'occasion des 40 ans de la sortie de l'album original.

 C'est une édition limitée officielle, que je ressors en partenariat avec Nkotti François.

 Le disque s'accompagne d'un livret avec biographie et photographies exclusives de l'artiste et de son ancien groupe, "Les Black Styls", et d'une carte de téléchargement, afin que les personnes ayant acheté l'album puissent également l'avoir en format digital, un petit bonus assez courant dans le monde des ré-édtions. 

Je l'ai sorti car c'est un projet qui me tenait énormément à coeur depuis plusieurs années, et je ne souhaitais pas, ayant toutes les autorisations légales, qu'un label de disque le ressorte avant moi ou en même temps que moi, sans se soucier des exclusivités des licences. 

Ce sont des situations qui arrivent malheureusement de plus en plus souvent, même quand tu communique avec les autres maisons de disques en amont sur tes sorties, et au final les auditeurs n'y comprennent plus rien d'une part, et d'autre part de "petits" labels de passionnés voient leur projets leur passer sous le nez, sortis par d'autres qui recherchent leur profit ou gloire personnelle.. 

Mon label "Nanga Boko Records" me servira à sortir des projets solo, l'intérêt étant avant tout bien entendu de continuer à sortir des disques sur notre label commun "Nubiphone", dont la prochaine sortie est prévue pour la fin d'année 2017 !

#4 Ta vision et définition personnelle du Diggin' ? 

Je définirai ma vision par trois éléments: la curiosité, l'humilité et le respect.

En effet, c'est une passion par laquelle tu apprends tous les jours, qui te donne le désir de toujours te dépasser et d'aller vers d'autres pays, d'autres genres musicaux, des routes qu'ont empruntées les musiciens à l'époque et que tu retraces derrière.

Je définirai le Digging comme la découverte de ce que tu ne connais pas : il nous arrive tous d'acheter des disques en vide grenier, en brocante ou autre un peu par hasard, pour la pochette ou pour le nom d'un des titres. 

Parfois c'est super, parfois c'est moins bon, c'est cette part de hasard et de chance qui fait, pour moi, tout le charme et le plaisir du truc !

L'humilité également, car il ne faut pas oublier que ces disques ne nous appartiennent pas, ce n'est pas parce que tu as trouvé un disque, mis au jour une référence pas encore connue que ce disque t'appartient !

Certaines personnes s'accaparent malheureusement des références, ont des fois l'impression que c'est eux qui ont produit ou enregistré un disque... du coup ils font en sorte de faire mousser le truc pour pouvoir en tirer profit et le revendre dix fois plus cher.. Alors qu'ils ont eu la chance de le trouver sur une brocante, et ca s'arrête là ! 

Du coup la côte de certains disques explose "artificiellement" (il y a, dans le disque aussi, un effet de mode sur les genre musicaux selon les périodes), et des collectionneurs qui débutent dans le disque ne peuvent plus s'acheter certaines références qui valaient 10 euros il y a 6 mois, sauf à y mettre le prix, ce qui est un non-sens...

Il y a à mon sens par ailleurs un certain élitisme dans le disque parfois, un certain manque d'entraide ou certaines jalousies entre les collectionneurs que je déplore profondément. Plutôt que de s'entraider, certains préfèrent se mettre des bâtons dans les roues... La musique, c'est pas ca !  

Bon, après, la plupart des collectionneurs et diggers sont des gens très corrects et très sympas ! 

Je préfère pour ma part continuer mon petit bout de chemin et avancer en restant curieux, respectueux et  humble, et en laissant de côté les rares personnes dont je ne partage pas la vision des choses, sans rancoeur ni haine.

#5 As-tu une anecdote particulière liée à la recherche d'un skeud ? 

Des tas !

Tu sais, j'ai une très mauvaise mémoire, du coup j'associe chaque disque de ma collection à une émotion, un sentiment, une histoire ou une anecdote sur la façon dont je l'ai trouvé. 

J'ai donc fait de ma collection une sorte de "banque mémorielle externe", et à chaque fois que je sors un disque de mes étagères, je me rappelle dans quelles circonstances je l'ai récupéré, ma "Madeleine de Proust" en quelque sorte... Et de manière générale tu as toujours une histoire ou une anecdote à raconter sur tes disques !

Une anecdote en particulier ? 

Prenons par exemple le disque de NKOTTI FRANCOIS que je viens de ressortir, qui comme je l'ai dit plus haut est mon disque préféré.

Je l'ai cherché pendant de nombreuses années (c'est un disque sorti à très peu d'exemplaires, enregistré et distribué uniquement au Cameroun), que j'ai eu l'occasion de récupérer par un échange avec un collectionneur vivant au Japon, de passage à Paris - c'est pour dire à quel point les disques voyagent parfois ! 

Désireux de faire connaître ce disque aux gens, je me suis décidé à le ressortir, et suis donc parti à la recherche de l'artiste.

J'ai réussi à le retrouver il y a quelques années, et j'ai obtenu un rendez-vous avec lui pour une interview sur sa carrière, sans lui dire que je souhaitais le voir pour avoir la permission de ré-éditer l'album. Il faut savoir que c'est un artiste qui est très célèbre au Cameroun, et qui a une quarantaine d'albums à son actif.

J'arrive à son bureau, et me retrouve face à face à cet homme imposant, très froid, habitué aux interviews et qui dégage une aura incroyable.On démarre l'interview, il me parle de sa jeunesse, de ses débuts dans la musique, et j'arrive à l'amener où je souhaitais : à ce qu'il me parle de son premier album 

Il me parle de la genèse de l'album, et je lui demande s'il a eu l'occasion de l'écouter récemment. Il me confirme que celui-ci a été produit à très peu d'exemplaires à l'époque, très dur à trouver aujourd'hui même au Cameroun, et que lui même ne l'a pas (effectivement, les rares exemplaires que j'ai eu la chance de trouver là-bas étaient toujours extrêmement usés) 

A ce moment là, je sors un cd, sur lequel j'avais numérisé le vinyle avant de prendre l'avion, dans le but de lui offrir. Il me regarde, un peu perturbé, et met le cd dans la chaine posée sur son bureau.

Les premières notes défilent, et je le vois progressivement se métamorphoser, se prenant la tête dans les mains, trembler, et se mettre à chanter par-dessus ses morceaux en pleurant. Je l'avais, sans le vouloir, replongé 40 ans en arrière, à ses débuts, ses permières galères, ses premiers concerts, ses premières histoires d'amour... Super émouvant !

Je lui ai alors dit que je souhaitais travailler avec lui sur cette ré-édition, en lui expliquant que c'était mon disque préféré et qu'il avait vraiment quelque chose de particulier pour moi.

Super content, il est alors passé au tutoiement, ma serré dans ses bras, me disant combien il serait ravi de se lancer dans cette aventure. Nous sommes allés dans un resto pour fêter ça jusqu'à une heure avancée, et depuis ce jour nous sommes restés très bons amis, et nous sommes régulièrement en contact !

 

 

Quelques liens pour aller plus loin : 

Site officiel : http://africangrooves.fr/

 Bandcamp Nanga Boko Records : https://nangabokorecords.bandcamp.com/

 Page Facebook Nanga Boko Records : www.facebook.com/nangabokorecords 

 Chaine Youtube African Grooves : www.youtube.com/user/armand0de0preseau/videos 

Page Facebook Nubiphone :https://www.facebook.com/NUBIPHONE

 Bandcamp Nubiphone : https://nubiphone.bandcamp.com/music